🚩 Méfiez-vous des titres ronflants
Peu importe le niveau hiérarchique.
Un titre ronflant peut cacher un job à la con.
Photo : Marten Bjork 🚩 Méfiez-vous des titres ronflants par Sylvie Gendreau, le blog du Nouveau leadership de la Nouvelle Ecole de Créativité
Stratagème pour attirer des employés surqualifiés
La pratique qui consiste à distribuer à tout vent des titres ronflants aux employés d’une entreprise ne date pas d’aujourd’hui. Cette pratique concerne tous les échelons hiérarchiques. Les employés de Wal-Mart ou de Home Depot se sont vus affublés du titre « d’associés ». Dans plusieurs entreprises, un simple directeur des ventes est devenu vice-président.
Cette tendance à gonfler les titres remonte aux années 1990. L’économie connaissait alors un boom technologique, avant que la bulle Internet n’éclate. Pour certains, un titre ronflant, flatte l’ego du candidat et permet d’accepter un salaire moindre.
Au Canada et aux États-Unis, le mot « chief » était utilisé à toutes les sauces. Chief information officer, Chief talent officer, Chief ethics officer. Ou encore Chief blogging officer alors que la plupart du temps ce titre ne correspond en réalité qu’à un seul individu responsable de la rédaction du blogue de la société.
Où est le problème ? Me direz-vous. Justement, gonfler les titres ne va pas sans causer des problèmes. À force de gonfler les titres, vous entachez la réputation d’une entreprise auprès des chercheurs d’emploi. Ceux-ci finiront bien par constater que leurs tâches ne correspondent pas au titre, et que ce nouveau poste ne leur permettra pas de progresser dans leur carrière.
Les chercheurs d’emploi, eux-mêmes, pratiquent aussi une forme de surenchère lors de leurs entretiens d’embauche. Ils essaient trop souvent de se rendre intéressants en ponctuant leur discours de termes à la mode : consensus, win-win, proactif, cobranding, coworking, start-up attitude, roadmap, benchmarking. Cette autre forme de gonflement, un gonflement de vocabulaire, risque d’irriter le responsable du recrutement et de brouiller le message.
Deux distorsions à éviter !
🚩 La première, le titre d’un poste, tel que libellé par l’entreprise, et les tâches réelles que doit accomplir le titulaire.
🚩 La deuxième, les compétences d’un candidat, telles qu’il les décrit à l’embauche, et ce qu’il est réellement en mesure d’accomplir.
Dans l’excellent podcast de France culture, Les Pieds sur Terre, Sonia Kronlund relève quelques exemples français de ce que David Graeber appelle des bullshit jobs. À l’écoute, on ne peut que constater que si les temps changent, les pratiques demeurent, et même parfois s’intensifient.
Deux cas dignes de mention
L’histoire de Charles
🚩 Charles était journaliste avant de se convertir, salaire oblige, dans le marketing. Sitôt sa décision prise, il fut embauché. Sans formation, il devint du jour au lendemain chargé d’études qualitatives. Il écrit beaucoup, réalise des interviews (après tout il était journaliste) et réalise des benchmarks, une activité qui consiste essentiellement à coller des images et des mots à partir de recherches Google. Mais Charles comprend rapidement que son job est inepte. Bien payé, mais vide de sens. Il souffre d’insomnies, éprouve des vertiges et un jour, face à la vacuité sans fond d’un séminaire de sémiologie marketing, sort précipitamment de la pièce, consulte un médecin, et apprend qu’il a développé un zona.
L’histoire de Mathlilde
🚩 Mathilde est âgée de 23 ans. Elle est embauchée à Berlin dans une start-up. Avec le titre ronflant de « Success custom manager », rien de moins. En réalité, il s’agissait d’un job de commerciale sans formation qui consistait à appeler des gens. Comme elle l’explique elle-même son job à la con se résume ainsi : « C’est un travail ingrat, inintéressant. On appelle des gens qui ont d’autres choses à faire, qui n’ont pas envie de vous parler ; on se fait jeter, on remplit des bases de données. » Dans des temps préhistoriques, des employés quittaient leur entreprise, après 30 ans de loyaux services. Mathile, quant à elle, détient peut-être le record de brièveté au travail. Elle a décidé de claquer la porte après 10 jours seulement.
Ces deux cas nous ramènent à la réalité. Le monde du travail, dans son état actuel, crée des jobs à la con aux titres ronflants pour attirer des candidats surqualifiés qui en réalité devront se contenter d’effectuer des tâches de bas niveau souvent mal payées.
Références :
Graeber, David. Bullshit jobs. Les liens qui libèrent, 2018.
Bullshit Jobs. Les Pieds sur terre par Sonia Kronlund. France Culture, 2021.
Poste gonflable, titre ronflant. Les Affaires Plus, 2008.
Sève, Marie-Madeleine. Entretien d'embauche, CV : les mots qui agacent les recruteurs. Reuters, 2014.
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